Guelfes et gibelins en Lombardie

Namadev

Namadev said:

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Frédéric II occupa sa cour à Palerme. Pressentant le caractère d’ouverture de la prochaine Renaissance italienne, c’est en 1224 qu’il fonde l’université de Naples ; ouvert aux arts occultes, il encourage l’échange entre judaïsme, christianisme et islam. Il dirigera l’Italie et l’Allemagne, mais en 1245, le pape le déposera et l’excommuniera.

Les cités autonomes italiennes sont d’ordinaire souvent de sujétion agnostique (patarine) et anti-papiste, c’est-à-dire pour l’empereur Frédéric et contre le pape (gibelins).

L’église cathare fut donc protégée des contraintes et pressions de l’Inquisition papale par les habitants des villes.

« Tant que la stature de Frédéric II domina, les cathares des cités n’eurent guère plus à craindre de l’église catholique que l’antipathie de ses grands clercs et les médisances de leurs traités. »- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Le soutien politique du parti des gibelins, ainsi que de la tradition urbaine du patarisme, avantagèrent le catharisme italien.

Anne Brenon, dans Le vrai visage du catharisme cita :- « La seule force politique capable de soutenir (l’église cathare) était à l’évidence la caste de l’oligarchie urbaine qui soutenait le parti de l’empereur pour défendre ses libertés et ses droits : celle des gibelins. De fait, les gibelins eux-mêmes se montrèrent toujours soucieux de s’assurer le concours financier ou même militaire des croyants ou d’hérétiques, et protégèrent régulièrement les hérétiques eux-mêmes contre les tentatives de l’Inquisition... Ainsi faut-il attribuer à des convictions patarines ou à des opinions gibelines, ou plus sûrement à un mélange des deux, les soulèvements des cités italiennes, fières et jalouses de leur indépendance, grandes familles en tête, comme à Florence en 1245 (face aux excès des inquisiteurs dominicains).

Lorsque, dans le second versant du siècle - fin XIIIe - le parti des guelfes, avec l’intervention de Charles d’Anjou, prit le pas sur la résis*tance gibeline, aristocratique et citadine, l’Inquisition devint systématique. »

La Lombardie se transforma alors en un pays de persécutions comme tout comme ce fût le cas en Languedoc.

« Quant au catharisme bogomile originaire de Bulgarie, il s’établit à Byzance courant du Xe siècle d’où il irradie vers l’occident. Traversant l’Italie il arrive en France au début du XIIe siècle (...) Le catharisme bogomile se maintiendra en Italie du Nord jusqu’au XVe siècle et fera une brève incursion au Midi au XIVe siècle, après la destruction des Albigeois au XIIIe siècle. »

Les catharismes italien et occitan étaient en aval du catharisme bogomile. Certains érudits, comme Anne Brenon, pensent à un événement qui aurait touché en même temps la Champagne, l’Aquitaine, l’Empire byzantin, l’Occitanie et l’Italie du Nord. Cela eut lieu autour de l’an Mil, en 970 pour les Bogomiles et en 1015 pour les premiers bûchers de Toulouse.

À Byzance et en Bulgarie, vers l’an 970, le pope Bogomil (ami de Dieu) prêcha une doctrine manichéenne qui se verra être la base du catharisme. Les Bogomiles se révoltent en 1084 en Thrace. Le chef des Bogomiles, Basile, finît sur le bûcher à Constantinople en 1118, alors que les croyants hétérodoxes éminents de Byzance sont condamnés à la prison à vie.

En Bulgarie et en Macédoine, le bogomilisme s’organise en églises, ceci en 1025. Les prêcheurs bogomiles sillonnent dorénavant tout l’Empire byzantin. Le catharisme oriental s’impose sur le christianisme orthodoxe en Asie Mineure ; il s’ancre fermement à Constantinople.

Au XIIe siècle, « le dignitaire cathare d’Orient, Nicétas, lors de sa mission en Occident, cite en 1167 à Saint-Félix-Lauragais cinq églises organisées entre l’Asie Mineure et l’actuelle Yougoslavie ».- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

Des écrits datant de peu après l’an Mil prouvent l’existence des cathares en Occitanie et en Italie. On signala des prêcheurs hérétiques cathares en Occitanie et en Aquitaine. Certains seront brûlés à Toulouse, entre 1015 et 1025. À Orléans, en 1022, dix chanoines du haut clergé sont exécutés sur le bûcher pour hérésie dualiste.

À Milan, vers 1030, la comtesse du château de Monteforte, qui protégeait un groupe d’hérétiques, sera brûlée avec les membres de ce dernier. La fédération des églises occitanes date de 1167, suite au congrès de Saint-Félix-Lauragais. Mais l’origine du catharisme est plus ancienne. Toujours en 1167, le pope Nicétas de Constantinople, fait une visite officielle pour les églises d’Asie en Italie. L’évêque cathare de Lombardie, Marc, collabora avec lui au niveau des églises occitanes.

- « La doctrine cathare se rédige après 1167, date du concile cathare de Saint Félix de Lauragais auquel participe l’évêque byzantin Nicétas : elle est ce que l’on appelle la "revitalisation d’une ancienne hérésie, l’origénisme des Pères du désert de Nitrie au IVe siècle" ».

- « Le catharisme des Albigeois du Midi (de 1167 jusqu’à la chute de Montségur en 1244) est un mélange d’origénisme avec un peu de manichéisme, opéré sans doute dans les milieux intellectuels byzantins (...)

Les documents (...) sur la doctrine des cathares radicaux proviennent du catharisme italien imprégné de l’Origénisme tel qu’il fut professé par des ascètes et des intellectuels, surtout dans le désert égyptien. »- - - Ioan Couliano et Mircea Éliade. Dictionnaire des religions

Plus tard, après la chute de Montségur, ce sera surtout en Lombardie que prendra refuge ce qui subsistera des églises cathares, ainsi que dans le reste de l’Italie du Nord. Le trésor de l’église de Montségur a contribué à la survie de cette église en exil, qui avait pour rôle de former et dépêcher vers l’Occitanie des clandestins, jusqu’au début du XIVe siècle.

- « La mention des départs pour la Lombardie se retrouve dans pratiquement toutes les dépositions devant l’Inquisition de la fin du XIIIe siècle : le phénomène fut massif, les voyages sont collectifs, accompagnés de transferts de fonds. »- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme

L’évêque cathare de l’Albigeois, Aimery du Collet, s’exile en Lombardie, peu avant 1250. Il incita un mouvement qui sera suivi par de hautes autorités dualistes, face aux progrès de l’Inquisition.

- « L’église de Toulousain était en exil : depuis le début des années 1250, l’évêque Vivent, qui avait succédé à Arnaud Roger, résidait en Lombardie avec son fils majeur, Guillaume del Pech, et le diacre de Toulouse, Raimon Mercier ; on les signala à Plaisance, à Crémone. Le dernier évêque de Toulousain connu, Bernard Olieu, fut attesté à Sirmione puis à Gênes jusqu’en 1278, tandis que son fils majeur, Philippe Cathala, exerçait à Pavie. »- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharismeLa noblesse lombarde

Henri de Welfen - d’où « guelfes » - duc de Bavière et de Saxonie, fort de l’appui du pape, disputait la couronne impériale à Conrad III de Hohenstaufen seigneur de Waibligen, empereur germanique en 1138. Le mot « gibelin » signifiait partisan de Conrad III.

Pendant que les gibelins et les patarins soutenaient le catharisme italien, les parfaits et croyants dualistes n’eurent que peu d’inquiétudes, car l’empereur et le pape "s’immobilisent" l’un l’autre.

Entre 1266 et 1268, après l’intervention du frère de saint Louis, Charles d’Anjou, le parti guelfe acquiert la supériorité sur les gibelins. L’Inquisition s’impose alors. En 1278, après les arrestations de Sirmione, un bûcher s’allume à Vérone, comme celui qui avait exterminé les parfaits de Montségur. Cependant, dans les lieux que les gibelins continuent à contrôler, comme à Pisé, les Cathares ne sont pas pourchassés.

Pourtant, le pouvoir du pape se développe et la fin du XIIIe siècle sonne le glas pour les églises cathares italiennes. Le catharisme persista malgré cela jusqu’au XVe siècle en Italie du Nord, bien qu’il atrophia la pureté doctrinale de ses débuts. Il se mêlera aux autres courants hétérodoxes.



- « Les Tarots purent (...) être (...) l’exposition symbolique de l’hérésie dualiste qui, reflet manichéen, envahit les cours des nobles aux XIVe et XVe siècles... Les arcanes majeurs se prêtent en effet facilement à rappeler ce dualisme ; mais cette signification aurait disparu ... les Tarots n’auraient survécu que parce qu’ils n’étaient plus que des séquences de cartes à jouer. »- - - Gabriele Mendele, I tarrochi di Visconti

À propos de cette exposition symbolique, il ne s’agit pas du livre cathare lui-même, dont chaque prédicateur détenait une copie. À juste titre, les parfaits étaient redoutés pour leur science des écritures saintes qu’ils commentaient selon une interprétation dualiste.

La bibliothèque municipale de Lyon possède une copie unique de cette bible cathare, nommée Nouveau Testament de Lyon (manuscrit écrit PA 36) accompagnée du Rituel Occitan incluant les 4 évangiles, les Épîtres canoniques et les Actes des Apôtres ; elle aurait été imprimée vers la moitié du XIIIe siècle, soit dans le territoire du comté de Foix ou peut-être dans le vicomté de Carcassonne. Les imagiers du tarot l’auraient destiné aux garatenses, partisans aristocratiques milanais d’un dualisme mitigé. Ainsi une étude bibliographique publiée par mon confrère Ross Sinclair Caldwell des bibliothèques personnelles des familles Visconti ou d’Este montre-t-elle que ces dernières furent profondément influencées par les courants ésotériques et "magiques" de l’époque...

Les atouts du tarot auraient-ils ainsi été esquissés dans le but d’édifier l’aristocratie lombarde, très proche des cours occitanes dans ses préoccupations et ses préférences morales ou passionnelles?

Comme le dit Anne Brenon, les cours italiennes étaient « partagées harmonieusement entre une religiosité spirituelle et des aspirations amoureuses mêlant déjà Fin Amors au Dolce Stil Nuovo. »


Extraits de "origines et histoire du Tarot, ed. Envolée, Toulouse, 1997
 

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Namadev said:
Historical background ...
« Quant au catharisme bogomile originaire de Bulgarie, il s’établit à Byzance courant du Xe siècle d’où il irradie vers l’occident. Traversant l’Italie il arrive en France au début du XIIe siècle (...) Le catharisme bogomile se maintiendra en Italie du Nord jusqu’au XVe siècle et fera une brève incursion au Midi au XIVe siècle, après la destruction des Albigeois au XIIIe siècle. »

« La mention des départs pour la Lombardie se retrouve dans pratiquement toutes les dépositions devant l’Inquisition de la fin du XIIIe siècle : le phénomène fut massif, les voyages sont collectifs, accompagnés de transferts de fonds. »- - - Anne Brenon, Le vrai visage du catharisme
Namadev,
I have translated the two quotes by Anne Brenon above through the internet as:
1) "The Cathar Bogomil will continue in Northern Italy until the fifteenth century and will make a brief foray to the South in the fourteenth century, after the destruction of the Albigenses in the thirteeth century."
2) "the mention of departure for Lombardy is in almost all the evidence before the Inquisition of the late 13th century: the phenomenon was massive, collective trips are accompanied by remittances."

Sorry if these translations aren't that great, but I think we get the idea. The first quote by Brenon places the Cathars in Northern Italy in the 15th century, when the tarot was first being developed. This should put to rest the arguments over the timeelement between the origination of the tarot and the events of the Albigensian crusades in 13th century Languedoc. And the second quote makes it clear that this was not just a handfull of outcasts who faded away into oblivion, but rather represented a large exodus of people who established themselves in the cities to which they fled.

Of course, this doesn't prove that these people had any direct influence on the tarot. Other than finding a written document which specifies that certain heretic artists had a hand in its creation, the question still reamains a valid one. However, we might consider the following points:
Firstly, the fact that we currently have such a diverse collection of individualized decks of tarot cards speaks to the notion that many people find the tarot an interesting media to visually express their personal ideals. If we dismiss the association of the Cathar heritage to the tarot, then we are assuming that the people of 15th century Italy (and later, 16th and 17th century France) who held heretical or dualistic views, including those artists who shared these views, had absolutely no such interst.
And secondly, that the appearance of what some see as dualistic themes and images of Cathar associations is nothing more than far fetched misinterpretations of traditional, orthodox iconography.

By the way, can you cite the page numbers of the above quotes from Brenon's book for me? I am disappointed that I can't get access to an English translation of this interesting work.

Thanks.